Coup d’Etat au Honduras

juillet 13, 2009

Le Honduras, pays situé au cœur de l’Amérique centrale, n’avait pas connu de coup d’État depuis 30 ans. Le 28 juin à l’aube, le président Manuel Zelaya a été arrêté par les militaires et expulsé au Costa Rica.

Après deux semaines de couvre-feu le gouvernement intérimaire continue à contrôler une partie des médias. La répression de manifestations pro-Zelaya a fait plusieurs morts la semaine dernière.

Entretien exclusive avec Olivier Dabène, docteur en Science politique et spécialiste de l’Amérique Latine.

Qui est Manuel Zelaya ?

« Mel » Zelaya, président du Honduras depuis 2006, vient d’une famille de grands propriétaires terriens. Olivier Dabène nous rappelle que Zelaya « qui a été élu sur des positions conservatrices a progressivement glissé vers la gauche ».

Ce virage politique est assez récent. Il est marqué par l’augmentation du salaire minimal en décembre 2008 et sur le plan international par l’entrée dans « le club des pays d’Amérique latine qui sont gouvernés à gauche derrière le leadership d’Hugo Chavez (président du Vénézuela) ».

Quelles sont les motivations des putschistes ?

La crise a éclatée quand Manuel Zelaya a demandé un référendum pour consulter les électeurs sur la possibilité d’une modification de la Constitution. La Cour suprême, l’armée et le Congrès contestent la légalité de cette consultation malgré les 400 000 signatures obtenues par le président. Des militaires ont arrêté et expulsé Zelaya quelques heures avant le début du référendum.

Sur les causes profondes cette crise, le chercheur explique qu’il y a « une réaction épidermique et une réaction très ferme des secteurs dominants et tout particulièrement les secteurs patronaux » à la politique menée par Zelaya. L’intervention de l’armée s’explique par le poids important des militaires dans la vie politique et économique du pays.

Que dit la communauté internationale ?

A l’ONU (Organisation des Nations unies), tous les pays ont condamné le coup d’État et demandé le retour du président. « Des pays aussi différents que les États-Unis et le Vénézuéla de Chavez de l’autre » constate Olivier Dabène. A propos de l’unanimité pour exclure le Honduras de l’OEA (Organisation des États américains) il précise que c’est « une grande première, puisque le dernier pays exclu c’est Cuba dans les années 60, ça n’arrive jamais ».

Les pays européens ont rappelé leurs ambassadeurs et la Banque mondiale a immédiatement suspendu tous les crédits à destination du Honduras. Le gouvernement intérimaire représenté par Roberto Micheletti, membre du parti Libéral comme Zelaya, se retrouve donc isolé sur la scène internationale.

Quel est le rôle des Etat-Unis ?

Les États-Unis possèdent une base militaire près de la capitale Tegucigalpa et entretiennent toujours une forte collaboration avec l’armée au Honduras. L’administration américaine a pourtant déjà bloqué 16 millions de dollars (ce qui correspond à l’aide strictement militaire) et a refusé de reconnaitre l’ambassadeur nommé par le gouvernement intérimaire.

Barack Obama, le président des États-Unis a clairement condamné le putsch. Pour Olivier Dabène il y a une vraie rupture dans la politique américaine puisque « à l’époque de Georges Bush ça ne serait pas passé comme ça ».

Quelle issue au conflit ?

La polarisation reste très forte. La nouvelle équipe qui a pris le pouvoir ne veut pas entendre parler d’un retour de Zelaya, ce que demande la communauté internationale. Pour le chercheur « on peut envisager un compromis si Zelaya s’engage à ne pas se faire réélire » mais pour l’instant « ils sont plutôt dans l’affrontement ».

Carte Honduras


Le G20 et les paradis fiscaux

Mai 8, 2009

Si en avril, le G20 s’est focalisé sur la lutte contre le secret bancaire et les plateformes offshore, la question continue à préoccuper Barack Obama qui a déclaré mardi vouloir récupérer 110 milliards sur 10 ans. Mais à quoi ressemble la vie dans un paradis fiscal ? « Il fait bon vivre dans les paradis fiscaux, parce que ce sont souvent des expatriés qui y travaillent », nous répond Christian Chavagneux, rédacteur en chef adjoint d’Alternatives économiques qui complète d’emblée en précisant que ces « paradis » sont en fait des creusets d’inégalités.

Christian Chavagneux qu’on rencontre, entre piles de livres et colonnes de dossiers, à Alternatives économiques (il y est rédac’chef adjoint) est l’auteur du très efficace les Paradis fiscaux, aux éditions la Découverte. Comme on n’a jamais mis les pieds dans un paradis fiscal, on lui demande si ça vaut le coup (pour nous) d’aller s’installer à Jersey ou sur les îles Caïmans. « En fait, les écarts de niveaux de vie sont très importants », nous répond Chavagneux. « Les communautés expatriées font monter les prix de l’immobilier, mais c’est plus difficile de se loger pour les habitants. Beaucoup de gens de Jersey ont du quitter l’île, pour ces raisons». Poursuite de la promenade dans ce que les Allemands appellent carrément les « oasis fiscales »

C’est quoi un paradis fiscal ?

En fait, il n’y a pas de définition officielle. Le G20 s’est basé sur les informations de l’OCDE qui publie des listes depuis 10 ans. Un paradis fiscal est d’abord un état ou la fiscalité est très faible. Ces états ont souvent recours au « secret bancaire », loi qui interdit aux employés de banques de communiquer des informations sur leurs clients y compris à leur propre gouvernement. Beaucoup permettent également de domicilier des sociétés sans avoir la moindre activité sur place.

Pourquoi ont-ils un impact énorme sur l’économie ?

Parce que ce sont presque la moitié des flux financiers et des investissements étrangers qui passent par ces places offshore. Pour les Etats, cela représente des pertes considérables en matière de recettes budgétaires. «En France on pense que 40 à 50 milliards d’impôts sont perdus chaque année, soit 10% des recettes publiques». Un rapport récent du parlement européen évalue la fraude fiscale à 200 milliards par an, soit 2% du PIB pour l’Europe. C’est aussi un facteur d’instabilité, car «l’opacité permet de prendre beaucoup de risques de manière non contrôlée».

Depuis quand existent-ils ?

Les paradis fiscaux ont été inventés au XIXe siècle, aux Etats-Unis. Ils se sont développés dès les années 1920 et leur usage s’est généralisé à partir des années 1970. Trois types d’acteurs les utilisent: « Les particuliers aisés et les multinationales essayent d’échapper à l’impôt mais il y a surtout les grands acteurs financiers qui font leur business et touchent de fortes commissions ».

Quels liens avec la crise ?

Si les paradis fiscaux ne sont pas à l’origine de la crise, ils constituent en fait un facteur aggravant. De nombreuses banques et entreprises ont pu dissimuler des pertes via des filiales dans ces territoires. La crise qui creuse les déficits pousse les gouvernements à réagir. Les appels à plus de transparence vont dans le même sens. Le principal reproche qu’on peut faire aux places offshores est qu’elles créent de l’opacité.

Quelles sont les avancées du G20 ?

Longtemps les gouvernements ont eu une attitude ambiguë. Aujourd’hui les choses ont clairement changé. «Ce qu’on a gagné avec le G20, c’est que l’ensemble des participants acceptent de collaborer en matière d’évasion fiscale», reprend Chavagneux. Désormais on ne pourra plus distinguer « fraude fiscale » et « évasion fiscale ». Mais ça n’est qu’un début car «contrairement à ce qu’a dit le communiqué du G20 en avril dernier, l’ère du secret bancaire n’est pas terminée. Il faudrait pour ça qu’il y ait échange automatique d’information». De même, il n’y aura pas de transparence tant que les multinationales n’accepteront pas de publier des comptes précis pour chacune de leurs filiales à travers le monde, avec « un reporting pays par pays».

Au-delà des déclarations, il faut prévoir une politique de long terme. Christian Chavagneux reste optimiste: «On est sur un horizon politique qui est aux alentours de 10 à 15 ans. C’est une politique publique internationale qui va prendre de longues années».


Piraterie en Somalie

avril 23, 2009

La lutte contre le piratage (maritime) a provisoirement remplacé la guerre contre le « terrorisme » menée par l’administration américaine sous la présidence de Georges Bush. Ce nouveau sujet mobilise un grand nombre de pays. Une conférence qui a lieu aujourd’hui à Bruxelles à réuni 43 pays. A l’issue de cette conférence, les participants ont promis de débloquer un budget de 213 millions de dollars. L’objectif est la création d’une force de police de 10.000 hommes, une force de sécurité de 5.000 hommes, et le soutient à la mission de l’UA (Amisom) qui compte 4.300 hommes.

Malgré les discours (officiellement la lutte contre la piraterie n’était pas l’objet de la conférence) on peut rester sceptique sur une réponse qui semble exclusivement policière.

Quelques liens:

* Colette Braeckman, Interview du premier ministre belge, 22/04/2009
Il faut renforcer les structures politiques du pays

* Ishaan Tharoor, How Somalia’s Fishermen Became Pirates, Time, 18/04/2009
Les premiers gangs de pirates se seraient constitués pour lutter contre la violation des zones de pêche par des navires étrangers.

* Paul Serges Ntamack Epoh, Piraterie en Somalie : Quelles causes et quels remèdes ?, 22/04/2009
Une approche juridique de la question de la piraterie

* Rubrick Biegon, Somali Piracy and the International Response, Foreign Policy in Focus, 29/01/2009

* Polyblogue, Somalie La poubelle de l’Occident, 22/10/2008


La guerre au Sri Lanka

avril 16, 2009

Le Sri Lanka (grande île de 20 millions d’habitants située au sud-est de l’Inde) est déchiré par un conflit qui oppose le gouvernement cinghalais aux séparatistes tamouls. Depuis plusieurs mois, de très violents combats ont repris suite à l’offensive du gouvernement. Les populations civiles subissent les affrontements dans l’indifférence de la communauté internationale.

Les origines du conflit

Dès les années 30, il y a une certaine hostilité des nationalistes cinghalais à l’encontre des tamouls. Ces derniers qui sont de religion hindoue, contrairement à la communauté cinghalaise bouddhiste, acceptent mieux la séparation état-religion qui s’opère sous l’influence anglicane.

Le droit anglais qui s’impose à la décolonisation créé un déséquilibre entre la majorité cinghalaise, laissée pour compte depuis un siècle, et la minorité tamoule. Le premier parlement compte 58 cinghalais, 29 tamouls et 8 musulmans. C’est désormais la majorité cinghalaise qui va dominer la politique, l’administration, l’armée et l’économie du pays.

Le SLPF (Sri Lanka Progressive Front), qui arrive au pouvoir en 1956, impose le bouddhisme comme religion d’état et le cinghalais comme langue officielle (universités, fonction publique…). Les tamouls se retrouvent exclus de la vie politique. En 1961 le gouvernement nationalise les écoles tamoules. Toutes ces mesures entrainent le développement d’un militantisme tamoul dès les années 60.

Le conflit s’accentue avec l’indépendance en 1972. Le TULF (Tamil United Liberation Front ) qui revendique la création d’un état tamoul indépendant, remporte les élections en 1977 dans les régions tamoules mais est exclu du Parlement.

Carte du Sri Lanka

Carte du Sri Lanka

La guerre civile

Au début des années 80, des pogroms anti-tamouls ont lieu suite à l’assassinat de policiers et une série d’attentats. A partir de 1990 les assassinats de personnalités publiques se multiplient.

En 2002 la présidente Chandrika KUMARATUNGA obtient un cessez-le-feu avec les LTTE (Liberation Tigers of Tamil Eelam). Mais l’arrivée au pouvoir (en novembre 2005) du président RAJAPAKSE qui souhaite revoir les termes de l’accord, relance la violence. Entre 2006 et 2008 les attentats et les attaques des tigres tamouls s’intensifient.

Le blocage

L’APCR (All Party Representative Conference), création du président, est une commission qui doit trouver une solution politique au conflit. Cette commission (qui n’est en fait pas représentative) a rendu un rapport début 2008. Les propositions du rapport correspondent aux dispositions du 13e amendement qui auraient du être appliquées depuis 20 ans:

  • La question de la langue tamoule
  • La question des elections politiques

Or pour le deuxième point la situation est très différente si on est au nord ou à l’est:

  • Au Nord, zone à majorité tamoule, l’idée d’un « conseil intérimaire » en attendant des élections est en réalité impossible à mettre en oeuvre. Tout Tamoul qui y participerait serait la cible des tigres tamouls.
  • A l’Est la population est partagée entre tamouls et musulmans. Ces derniers sont opposés au conflit. Une solution politique semble possible dans cette région.
Le controle des territoires en 2007

Le controle des territoires en 2007

Répression aveugle et silence international

Depuis un an, le gouvernement sri-lankais annonce la fin imminente des tigres tamouls. Mais le nombre de victimes civiles ne cesse d’augmenter (plusieurs milliers de morts en quelques mois). Les observateurs internationaux ont été expulsés du pays et les journalistes ne peuvent faire leur travail sans risquer leur vie. Les opposants au gouvernements ont été réduit au silence.

Le 31 mars dernier, l’écrivain indienne Arundhati ROY a publié une tribune dans le Boston Globe. Elle y dénonce le silence qui entoure ce conflit et les crimes commis par le gouvernement sri-lankais. Pour elle le gouvernement considère chaque tamoul comme un terroriste potentiel et les civils sont délibérément visés. On assiste à une guerre ouvertement raciste.

Elle s’insurge également contre l’impunité du pouvoir et sa politique de terreur. Elle cite à l’appui le témoignage de Mangala SAMARAWEERA, ancien ministre des affaires étrangeres au Sri-Lanka, qui évoque les disparitions de civils, les assassinats de journalistes et l’absence de medias indépendants.

POUR ALLER PLUS LOIN

* The silence surrounding Sri Lanka, Arundhati Roy, 31 mars 2009
Dans cette tribune l’ecrivain dénonce les crimes commis par le gouvernement singhalais et s’étonne du silence de la communauté internationale.

* Sri Lanka : 30 ans de conflit sans solution, Blanche Mattern, 11 février 2008
Cet article très complet nous a beaucoup aidé pour rédiger la partie historique de ce billet.

* Les « disparitions » a Sri Lanka : d’une stratégie ciblée à la généralisation incontrolée, Eric Meyer, Cultures & Conflits, 13-14, 1994
Les rapports de 1992 et 1993 du groupe de travail des Nations Unies sur les « disparitions forcées ou involontaires » ont mis l’accent sur le caractère massif du phénomène à Sri Lanka.

Marie-France Calle, grand reporter au Figaro, suit avec attention le conflit du Sri Lanka

A lire sur son blog:

* De la difficulté d’être journaliste au Sri Lanka, 23 mars 2009

* La souffrance sans fin des tamouls au Sri Lanka, 28 février 2009

* Disparitions au Sri Lanka : le « syndrome du minibus blanc », 4 février 2009


L’empire Gazprom

janvier 7, 2009

Annoncée depuis des semaines la coupure à finalement eut lieu. Le 1er janvier 2008, la Russie a cessé de fournir du gaz à l’Ukraine. Le désaccord porte sur les paiements des livraisons et le prix du gaz. C’est l’occasion de revenir sur ce géant méconnu, Gazprom, premier producteur et transporteur mondial de gaz.

Naissance de Gazprom

Après la chute de l’URSS, l’industrie du gaz est le seul secteur économique qui n’est pas démantelé lors des privatisations. Le ministère de l’industrie gazière se transforme en société d’Etat en 1989 puis en société par actions en 1992. Rem Viakhirev devient PDG a la place de Viktor Tchernomyrdine en 1992, quand ce dernier accède au poste de Premier ministre.

Gazprom

L’autonomie de Gazprom est alors considérable. Les gazoviks (ceux qui ont fait toute leur carrière dans le secteur du gaz) forment un des clans les plus puissants dans la Russie de Boris Eltsine. Dans le chaos de la transition, l’entreprise continue à fournir du gaz à bas prix à toute la population et maintient en vie des pans entier de l’économie.

Mais l’opacité de la gestion permet des détournements importants et la vente de filiales à des prix dérisoires. Ces dernières sont rachetées par des proches des dirigeants de Gazprom.

Reprise en main par le Kremlin

L’arrivée de Poutine change la donne. En 2000 il fait rentrer Dimitry Medvedev, alors chef adjoint de l’administration présidentielle, dans le conseil d’administration de Gazprom. L’importance des détournements permet de faire partir les dirigeants Rem Viakhirev et Viktor Tchernomyrdine.

En 2001, Alexeï Miller, fidèle de Poutine et vice ministre de l’Energie devient PDG à la place Viakhirev. Des compromis sont trouvés avec les directeurs régionaux. Ce n’est qu’en 2005 que l’Etat devient actionnaire majoritaire avec 50,O1 % des voix.

Gazprom est désormais étroitement lié au pouvoir politique russe. L’intérêt est double pour Vladimir Poutine, alors président de la Russie:

  • garder un controle des ressources nationales face aux compagnies étrangères
  • avoir un outil essentiel pour peser sur la scène internationale

La stratégie de l’entreprise

Longtemps numéro 3 en bourse, derrière PetroChina et Exxon Mobil, l’entreprise espère devenir le numéro un mondial de l’énergie. Ses investissements ne sont pas limités au gaz mais également au pétrole, à l’électricité et au nucléaire. Gazprom possède de nombreux medias russes, une banque, des entreprises de construction.

Il n’y a pas une semaine sans une nouvelle annonce d’accord ou d’acquisition.

La dépendance croissante de l’Europe

La dépendance au gaz russe est très variable selon les pays en Europe. Si 33% du gaz consommé par l’Allemagne vient de Russie, ce taux monte à 58% pour la Pologne, 72% pour la Hongrie ou 76% pour la Grèce. La France et l’Italie ont une dépendance moins forte puisque 25% du gaz consommé est fournit par Gazprom.

Aujourd’hui la Russie, qui accusait l’Ukraine de détourner du gaz destiné au reste de l’Europe, annonce avoir stoppé toute livraison passant par ce pays.

Or l’Ukraine est un carrefour par lequel passent une grande partie des gazoducs qui alimentent l’Europe.

Pour avoir un contrôle complet sur le transport du gaz, l’entreprise russe a mis en oeuvre ces dernières années deux gigantesques chantiers:

  • North-Stream un gazoduc qui part de Saint-Petersbourg et parcours 1200 km sous la mer Baltique pour arriver directement en Allemagne.
  • South-Stream, avec 900km sous la mer Noire jusqu’en Bulgarie. A partir de là, une branche part directement en Italie et en Grèce, l’autre vers l’Autriche et l’Europe centrale. Ce chantier entre en concurrence avec le projet européen Nabucco.

L’année dernière l’Ukraine payait 179$ pour mille mètres cubes de gaz. Dans un premier temps la Russie exigeait 250$ mais demande maintenant 450$.

La crise révèle, au delà de la puissance et du monopole de Gazprom, une absence complète de politique énergétique commune en Europe. La commission européenne exige des pays européens une libéralisation complète, ce qui suppose une séparation entre transport et distribution du gaz. En revanche, pour Moscou il est pas question de se plier à ces règles qui obligeraient Gazprom à abandonner son monopole sur le transport et l’exportation du gaz russe.

Pour aller plus loin

* La nouvelle arme du Kremlin, Courrier International, Fevrier 2007

Entretien avec deux journalistes de Courrier International.

L’empire Gazprom, cet Etat dans l’Etat, est devenu un levier majeur de la politique de la Russie de Poutine

* Energie : « la vraie menace c’est la Commission Européenne, pas la Russie », Novosti, (via ContreInfo), 2008

Les Etats vont-ils perdre définitivement la possibilité d’orienter et d’organiser la reconversion hors des énergies fossiles ?

* «Gazprom veut être l’opérateur de référence en France»,Le Figaro, 2008-06-10

Interview du PDG de Gazprom Alexeï Miller sur la stratégie de l’entreprise en France.

* Du Caucase à l’Asie centrale, « grand jeu » autour du pétrole et du gaz, Régis Genté, Monde Diplomatique, Juin 2007

Cet article montre que la guerre du gaz n’est pas limitée a l’Europe. Dans le Caucase et l’Asie centrale, la rivalité entre les grandes puissances (Russie, Etats-Unis, Chine) peut aussi permettre une plus grande indépendance des petits, mais n’assure pas pour autant une amélioration dans le respect des droits humains.

Livre


Gazprom, le nouvel empire
, Alain Guillemoles et Alla Lazareva, édition Les Petits Matins, 2008


Congo-Kinshasa: Le pillage continue

novembre 17, 2008

Depuis 15 ans, la guerre n’a jamais cessé au Kivu. Cette partie du Congo est situé à l’est du pays, contre le Rwanda et l’Ouganda. L’intensité des combats ces dernières semaines à obligé des dizaines de milliers de civils à quitter leur foyer dans cette région qui s’étend sur 125 000 km².

Région du Nord-Kivu à l'est de la RDC

Région du Nord-Kivu à l'est de la RDC

Déplacement massifs de civils

Début octobre, l’offensive du rebelle Laurent Nkunda à fait fuir de nombreux habitants la ville de Goma.

L’armée officielle du Congo (FARDC) est censée combattre les rebelles. Mais des militaires ont participé au pillage de la ville de Goma dans leur fuite face aux rebelles.

Aujourd’hui, 15 novembre, les rebelles sont présent massivement à Rutshuru, ont commis des exactions massives a Kiwanja et sont aux portes de Kanyayonga.

Les forces de la MONUC (soldats de l’ONU en RDC) sont totalement impuissantes et sont confrontées à l’incompréhension voir l’hostilité des civils.

Les populations qui fuient les zones de combats se retrouvent sur les routes et dans des camps de réfugiés.
Au manque d’eau, de nourriture et de soins s’ajoutent les exactions, viols et meurtres commis par des miliciens.
Il y aurait aujourd’hui 250 000 déplacés suite au violences des 2 derniers mois.

La responsabilité du Rwanda

Le congolais Laurent Nkunda est à la tête du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP). Il affirme lutter contre les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) pour protéger les congolais d’origine tutsi.

Les FDLR, sont des groupes d’hommes armés présents dans l’Est du Congo depuis le génocide au Rwanda en 1994. Beaucoup d’entre eux sont des génocidaires hutu ayant fuit le Rwanda en 1994.

Paul Kagame, président du Rwanda, récuse tout lien avec Nkunda. Mais l’Etat congolais (Kinshasa) dénonce le rôle joué par le Rwanda. Ce dernier semble en effet apporter un soutien logistique et militaire aux combattants de Laurent Nkunda.

On peut rappeler que lors des précédentes guerres le Rwanda, avait directement (occupation militaire) ou indirectement (soutien à des groupes armés comme le RCD-Goma) participé au pillage des ressources de la République Démocratique du Congo.

Un pillage qui arrange tout le monde

Le Kivu comme le reste du pays regorge de richesses naturelles. Les plus importantes sont l’or et le coltan. Ces ressources suscitent la convoitise de nombreux acteurs. Miliciens, hommes politiques, pays alentours et entreprises occidentales, tous espèrent en tirer profit.

Dans un entretien accordé à RFI, le congolais Kambale Malembe, dénonce un pillage qui semble profiter à de nombreux intervenants.

Une guerre qui nous concerne directement

Le coltan est un minerai très rare avec une demande toujours croissante. Il est utilisé pour fabriquer des composants électroniques, très utilisé dans l’aéronautique mais surtout dans les téléphones portables et consoles de jeu vidéos.

En 2002 et 2003 plusieurs rapports de l’ONU dénonçaient le pillage et le commerce illégal du coltan de RDC par les pays alentours et des entreprises multinationales.

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Pour aller plus loin

  • Ecouter l’entretien sur RFI de Kambale Malembe Orfèvre, dirigeant du Forum des amis de la terre au Nord Kivu

    «Tout laisse croire que les groupes armés continuent à exploiter les richesses minières, parce qu’ils se concentrent dans les zones qui sont censées les contenir.» C’est la face cachée de la guerre qui ravage l’est du Congo Kinshasa depuis le 28 août dernier. Les belligérants se battent aussi, et peut-être surtout, pour garder le contrôle de mines d’or, de diamant et de coltan.

    http://www.rfi.fr/actufr/articles/106/article_73999.asp

  • L’ ONG britannique Global Witness vient de rappeler que, sur le terrain, les troupes congolaises et en particulier la 85eme brigade, cohabitent avec les FDLR (Forces démocratiques pour la libération du Rwanda) et se livrent conjointement à l’exploitation et à la commercialisation des minerais : « tous forcent la population civile à travailler pour eux ou à leur remettre leur production et leur extorquent des taxes. ».

    Par ailleurs le général uruguayen Jorge Gonzales, observateur militaire de la Mission des Nations unies au Congo a déclaré avoir été le témoin de l’implication rwandaise dans les combats de la semaine dernière. Il a vu les forces rwandaises intervenir aux côtés des rebelles du général Nkunda avec des blindés et des pièces d’artillerie et assure que les rapports onusiens confirment la présence de soldats rwandais au sein du CNDP (Congrès national pour la défense du peuple), le mouvement de Nkunda.

    http://blogs.lesoir.be/colette-braeckman/2008/11/06/nouveau-sommet-de-la-mauvaise-foi-a-nairobi/

  • Coltan Mining in the Democratic Republic of Congo: How tantalum-using industries can commit to the reconstruction of the DRC [PDF]
    http://www.gesi.org/files/ffi_coltan-report_fr.pdf
  • Dossier : Le pillage des ressources naturelles de la RDC
    http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/conflit-grands-lacs/pillage-ressources-naturelles-rdc.shtml
  • Resume du rapport de l’ONU sur le pillage du Congo en 2002-2003
    http://www.populationdata.net/pillage_rdc.html
  • How rebels profit from blood and soil (Globe and Mail, 30 octobre 2008)
    Unregulated trade in Congolese mineral wealth keeps warlords in business fighting a civil war and has made the remnants of Rwanda’s genocide squads richer than they’ve ever been
    http://www.commondreams.org/headline/2008/10/30-7
  • Johann Hari: How we fuel Africa’s bloodiest war (The Independant, 30 October 2008)

    Une traduction en françaisVoici comment nous alimentons la plus sanglante des guerres africaines (Par Johann Hari)

Livres

  • Colette Braeckman,
    Les nouveaux prédateurs. Politique des puissances en Afrique centrale, Fayard, 2003
  • Jean-Paul Mopo Kobanda,
    Les crimes économiques dans les grands lacs africains, Menaibuc, 2006
  • Alain Deneault,
    Noir Canada, pillage, corruption et criminalité en Afrique, Ecosociété, 2008

Somalie, poubelle de l’Occident

octobre 22, 2008

Ceux qui ont vu le film Gomorra se souviendront surement des mafieux italiens entassant en toute illégalité des centaines de futs toxiques dans une décharge sauvage. C’est un drame d’une autre ampleur qui touche la Somalie.

Dès 1990 de rares articles dénonçaient le dépot massif de déchets toxiques et nucléaires par des navires occidentaux sur les plages du nord de la Somalie. Entreprises et hommes d’affaire peu scrupuleux ont pu pendant des années profiter du chaos de la guerre pour déposer à moindre coût des déchets dangereux en payant chefs de guerre ou responsables locaux. Le traitement d’une tonne de déchets qui coute 1000$ en Europe ne coute plus que 8$ en afrique.

Ilaria Alpi et Miran Hrovatin, deux journalistes qui enquêtaient sur des trafics d’armes et de déchets nucléaires entre l’Italie et la Somalie ont été assassinés en mars 1994 au cours de leurs enquête.

En 1997 des investigations du journal Famiglia Cristiana et Greepeace révélaient le nom d’entreprises suisses et italiennes qui avaient versé 80 millions de dollars à des responsables somaliens pour le stockage de déchets.

En 2005 le tsunami a fait remonter une partie de ces déchets à la surface. Un rapport de l’ONU signalait un taux anormalement élevé d’infections respiratoires, ulcères et hémorragies inhabituelles parmi les habitants des villes Hobbio et Benadir. La pêche locale est la source principale d’alimentation. A ce jour, aucune étude ne semble avoir été réalisée pour pouvoir mesurer avec précision l’impact sur la santé des habitants de la région.

On peut regretter la disproportion entre l’importance demesurée accordée au faits divers de piraterie et le silence des medias sur ce sujet pourtant essentiel. Car l’enjeu dépasse largement les victimes de ces trafics. Il soulève le problème de l’inégalité Nord Sud et de la question du traitement des déchets dangereux qui sera incontournable dans les années à venir.

« Nous ne sommes pas des pirates, nous voulons juste protéger nos ressources naturelles marines. Certains pays veulent faire de nos eaux une décharge pour les déchets industriels de l’Ouest », a notamment argumenté le porte-parole, affirmant « avoir le soutien des communautés villageoises ».

(Pour le contexte de cette citation voir AFP, 28 septembre 2008)

Pour aller plus loin:

* Toxic waste adds to Somalia’s woes, NewScientist, 1992

* Somalia’s secret dumps of toxic waste washed ashore by tsunami, Time, 4 Mars 2005

* Un film est sorti en 2002 sur les 2 journalistes assassinés.

* Le tsunami renverse les poubelles radioactives du Nord sur les plages, RFI, 2005

* Rapport de l’ONU, 2005 (PDF)
http://www.unep.org/tsunami/reports/TSUNAMI_report_complete.pdf


Angolagate: Une affaire d’Etat(s)

octobre 5, 2008

Lundi s’ouvrira à Paris le procès de l’Angolagate.

Si les faits remontent aux années 1990, l’affaire n’est médiatisée qu’en 2000 avec l’enquête des juges Courroye et Prevost-Desprez. Huit ans après, le procès peut commencer.

Pierre Falcone et Arcadi Gaydamak sont au coeur de ce procès. Ces deux hommes d’affaires sont accusés d’avoir vendu des armes (pour un montant de 790 millions de dollars) au gouvernement angolais entre 1993 et 1998. L’Angola connait alors une terrible guerre civile ou s’affrontent le gouvernement de Dos Santos et son ennemi le rebelle Jonas Savimbi, à la tête de l’UNITA.

Le procès est exceptionnel par sa durée, jusqu’en mars 2009, et par la présence de nombreuses personnalités parmis les 42 prévenus. Tous sont accusés d’avoir touché des commissions au cours de ces transactions. On retrouve dans cette longue liste: Jean Christophe Mitterand, fils du président, Jacques Attali, l’écrivain Paul Loup Sulitzer, l’ancien ministre Charles Pasqua, ainsi qu’un de ses proches, l’ex-préfet Marchiani.

Les magistrats sont soumis à d’intenses pressions du fait des enjeux pétrolier en Angola. Le gouvernement angolais, qui avait un moment protégé Pierre Falcone par une immunité diplomatique (nomination a l’Unesco), veut a tout prix éviter de voir des noms de personnalités angolaises dans ce procès.


La faillite de la finance

septembre 15, 2008

Un nouveau domino du monde financier vient de tomber.

Lehman Brothers, quatrième banque d’affaire aux Etats Unis est aujourd’hui en faillite. Mais cette fois l’Etat américain n’interviendra pas comme il l’a déjà fait pour la banque Bear Stearns en mars 2008 (29 milliards de dollars) ou avec la quasi-nationalisation cette semaine des deux géants du prêt immobilier, Fannie et Freddie (promesse pour 200 milliards de dollars).

Les interventions précipitées des pouvoirs publics semblent impuissantes à enrayer la crise financière.

Merrill Lynch, une autre banque d’investissement vient d’être rachetée pour 50 milliards de dollars par la plus grande banque américaine, Bank Of America. Les spéculations vont bon train sur les prochains dommages collatéraux de la crise des subprimes. Les suivants sur la liste pourraient être American International Group, premier assureur aux Etats-Unis et la banque Washington Mutual…

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Greve des profs contre l’insécurité en Somalie

septembre 4, 2008

Les prochains billets seront consacrés à l’actualité somalienne.

Ce en prévision des propos larmoyants sur les malheurs des millionnaires en croisière et des publi-reportage sur l’efficacité de l’armée française pour sauver ces derniers des griffes des méchants pirates somaliens. Images et bavardages qui risquent d’obscurcir les ecrans cathodiques et les unes de journaux français dans les jours à venir.

La plupart des écoles de Mogadiscio sont fermées suite à une grêve des professeurs de la capitale somalienne. Les enseignants organisent une manifestation de 3 jours pour protester contre les attentats qui visent les écoles et se sont multipliés ces derniers temps.

Les organisateurs de la grève s’adressent à la fois au gouvernement et à l’opposition. La manifestation est coordonnée par l’organisation Education Fraternity.

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http://www.irinnews.org/fr/ReportFrench.aspx?ReportId=80175

Carte de la Somalie

Carte de la Somalie