Le Honduras, pays situé au cœur de l’Amérique centrale, n’avait pas connu de coup d’État depuis 30 ans. Le 28 juin à l’aube, le président Manuel Zelaya a été arrêté par les militaires et expulsé au Costa Rica.
Après deux semaines de couvre-feu le gouvernement intérimaire continue à contrôler une partie des médias. La répression de manifestations pro-Zelaya a fait plusieurs morts la semaine dernière.
Entretien exclusive avec Olivier Dabène, docteur en Science politique et spécialiste de l’Amérique Latine.
Qui est Manuel Zelaya ?
« Mel » Zelaya, président du Honduras depuis 2006, vient d’une famille de grands propriétaires terriens. Olivier Dabène nous rappelle que Zelaya « qui a été élu sur des positions conservatrices a progressivement glissé vers la gauche ».
Ce virage politique est assez récent. Il est marqué par l’augmentation du salaire minimal en décembre 2008 et sur le plan international par l’entrée dans « le club des pays d’Amérique latine qui sont gouvernés à gauche derrière le leadership d’Hugo Chavez (président du Vénézuela) ».
Quelles sont les motivations des putschistes ?
La crise a éclatée quand Manuel Zelaya a demandé un référendum pour consulter les électeurs sur la possibilité d’une modification de la Constitution. La Cour suprême, l’armée et le Congrès contestent la légalité de cette consultation malgré les 400 000 signatures obtenues par le président. Des militaires ont arrêté et expulsé Zelaya quelques heures avant le début du référendum.
Sur les causes profondes cette crise, le chercheur explique qu’il y a « une réaction épidermique et une réaction très ferme des secteurs dominants et tout particulièrement les secteurs patronaux » à la politique menée par Zelaya. L’intervention de l’armée s’explique par le poids important des militaires dans la vie politique et économique du pays.
Que dit la communauté internationale ?
A l’ONU (Organisation des Nations unies), tous les pays ont condamné le coup d’État et demandé le retour du président. « Des pays aussi différents que les États-Unis et le Vénézuéla de Chavez de l’autre » constate Olivier Dabène. A propos de l’unanimité pour exclure le Honduras de l’OEA (Organisation des États américains) il précise que c’est « une grande première, puisque le dernier pays exclu c’est Cuba dans les années 60, ça n’arrive jamais ».
Les pays européens ont rappelé leurs ambassadeurs et la Banque mondiale a immédiatement suspendu tous les crédits à destination du Honduras. Le gouvernement intérimaire représenté par Roberto Micheletti, membre du parti Libéral comme Zelaya, se retrouve donc isolé sur la scène internationale.
Quel est le rôle des Etat-Unis ?
Les États-Unis possèdent une base militaire près de la capitale Tegucigalpa et entretiennent toujours une forte collaboration avec l’armée au Honduras. L’administration américaine a pourtant déjà bloqué 16 millions de dollars (ce qui correspond à l’aide strictement militaire) et a refusé de reconnaitre l’ambassadeur nommé par le gouvernement intérimaire.
Barack Obama, le président des États-Unis a clairement condamné le putsch. Pour Olivier Dabène il y a une vraie rupture dans la politique américaine puisque « à l’époque de Georges Bush ça ne serait pas passé comme ça ».
Quelle issue au conflit ?
La polarisation reste très forte. La nouvelle équipe qui a pris le pouvoir ne veut pas entendre parler d’un retour de Zelaya, ce que demande la communauté internationale. Pour le chercheur « on peut envisager un compromis si Zelaya s’engage à ne pas se faire réélire » mais pour l’instant « ils sont plutôt dans l’affrontement ».