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La guerre au Sri Lanka

avril 16, 2009

Le Sri Lanka (grande île de 20 millions d’habitants située au sud-est de l’Inde) est déchiré par un conflit qui oppose le gouvernement cinghalais aux séparatistes tamouls. Depuis plusieurs mois, de très violents combats ont repris suite à l’offensive du gouvernement. Les populations civiles subissent les affrontements dans l’indifférence de la communauté internationale.

Les origines du conflit

Dès les années 30, il y a une certaine hostilité des nationalistes cinghalais à l’encontre des tamouls. Ces derniers qui sont de religion hindoue, contrairement à la communauté cinghalaise bouddhiste, acceptent mieux la séparation état-religion qui s’opère sous l’influence anglicane.

Le droit anglais qui s’impose à la décolonisation créé un déséquilibre entre la majorité cinghalaise, laissée pour compte depuis un siècle, et la minorité tamoule. Le premier parlement compte 58 cinghalais, 29 tamouls et 8 musulmans. C’est désormais la majorité cinghalaise qui va dominer la politique, l’administration, l’armée et l’économie du pays.

Le SLPF (Sri Lanka Progressive Front), qui arrive au pouvoir en 1956, impose le bouddhisme comme religion d’état et le cinghalais comme langue officielle (universités, fonction publique…). Les tamouls se retrouvent exclus de la vie politique. En 1961 le gouvernement nationalise les écoles tamoules. Toutes ces mesures entrainent le développement d’un militantisme tamoul dès les années 60.

Le conflit s’accentue avec l’indépendance en 1972. Le TULF (Tamil United Liberation Front ) qui revendique la création d’un état tamoul indépendant, remporte les élections en 1977 dans les régions tamoules mais est exclu du Parlement.

Carte du Sri Lanka

Carte du Sri Lanka

La guerre civile

Au début des années 80, des pogroms anti-tamouls ont lieu suite à l’assassinat de policiers et une série d’attentats. A partir de 1990 les assassinats de personnalités publiques se multiplient.

En 2002 la présidente Chandrika KUMARATUNGA obtient un cessez-le-feu avec les LTTE (Liberation Tigers of Tamil Eelam). Mais l’arrivée au pouvoir (en novembre 2005) du président RAJAPAKSE qui souhaite revoir les termes de l’accord, relance la violence. Entre 2006 et 2008 les attentats et les attaques des tigres tamouls s’intensifient.

Le blocage

L’APCR (All Party Representative Conference), création du président, est une commission qui doit trouver une solution politique au conflit. Cette commission (qui n’est en fait pas représentative) a rendu un rapport début 2008. Les propositions du rapport correspondent aux dispositions du 13e amendement qui auraient du être appliquées depuis 20 ans:

  • La question de la langue tamoule
  • La question des elections politiques

Or pour le deuxième point la situation est très différente si on est au nord ou à l’est:

  • Au Nord, zone à majorité tamoule, l’idée d’un « conseil intérimaire » en attendant des élections est en réalité impossible à mettre en oeuvre. Tout Tamoul qui y participerait serait la cible des tigres tamouls.
  • A l’Est la population est partagée entre tamouls et musulmans. Ces derniers sont opposés au conflit. Une solution politique semble possible dans cette région.
Le controle des territoires en 2007

Le controle des territoires en 2007

Répression aveugle et silence international

Depuis un an, le gouvernement sri-lankais annonce la fin imminente des tigres tamouls. Mais le nombre de victimes civiles ne cesse d’augmenter (plusieurs milliers de morts en quelques mois). Les observateurs internationaux ont été expulsés du pays et les journalistes ne peuvent faire leur travail sans risquer leur vie. Les opposants au gouvernements ont été réduit au silence.

Le 31 mars dernier, l’écrivain indienne Arundhati ROY a publié une tribune dans le Boston Globe. Elle y dénonce le silence qui entoure ce conflit et les crimes commis par le gouvernement sri-lankais. Pour elle le gouvernement considère chaque tamoul comme un terroriste potentiel et les civils sont délibérément visés. On assiste à une guerre ouvertement raciste.

Elle s’insurge également contre l’impunité du pouvoir et sa politique de terreur. Elle cite à l’appui le témoignage de Mangala SAMARAWEERA, ancien ministre des affaires étrangeres au Sri-Lanka, qui évoque les disparitions de civils, les assassinats de journalistes et l’absence de medias indépendants.

POUR ALLER PLUS LOIN

* The silence surrounding Sri Lanka, Arundhati Roy, 31 mars 2009
Dans cette tribune l’ecrivain dénonce les crimes commis par le gouvernement singhalais et s’étonne du silence de la communauté internationale.

* Sri Lanka : 30 ans de conflit sans solution, Blanche Mattern, 11 février 2008
Cet article très complet nous a beaucoup aidé pour rédiger la partie historique de ce billet.

* Les « disparitions » a Sri Lanka : d’une stratégie ciblée à la généralisation incontrolée, Eric Meyer, Cultures & Conflits, 13-14, 1994
Les rapports de 1992 et 1993 du groupe de travail des Nations Unies sur les « disparitions forcées ou involontaires » ont mis l’accent sur le caractère massif du phénomène à Sri Lanka.

Marie-France Calle, grand reporter au Figaro, suit avec attention le conflit du Sri Lanka

A lire sur son blog:

* De la difficulté d’être journaliste au Sri Lanka, 23 mars 2009

* La souffrance sans fin des tamouls au Sri Lanka, 28 février 2009

* Disparitions au Sri Lanka : le « syndrome du minibus blanc », 4 février 2009

Congo-Kinshasa: Le pillage continue

novembre 17, 2008

Depuis 15 ans, la guerre n’a jamais cessé au Kivu. Cette partie du Congo est situé à l’est du pays, contre le Rwanda et l’Ouganda. L’intensité des combats ces dernières semaines à obligé des dizaines de milliers de civils à quitter leur foyer dans cette région qui s’étend sur 125 000 km².

Région du Nord-Kivu à l'est de la RDC

Région du Nord-Kivu à l'est de la RDC

Déplacement massifs de civils

Début octobre, l’offensive du rebelle Laurent Nkunda à fait fuir de nombreux habitants la ville de Goma.

L’armée officielle du Congo (FARDC) est censée combattre les rebelles. Mais des militaires ont participé au pillage de la ville de Goma dans leur fuite face aux rebelles.

Aujourd’hui, 15 novembre, les rebelles sont présent massivement à Rutshuru, ont commis des exactions massives a Kiwanja et sont aux portes de Kanyayonga.

Les forces de la MONUC (soldats de l’ONU en RDC) sont totalement impuissantes et sont confrontées à l’incompréhension voir l’hostilité des civils.

Les populations qui fuient les zones de combats se retrouvent sur les routes et dans des camps de réfugiés.
Au manque d’eau, de nourriture et de soins s’ajoutent les exactions, viols et meurtres commis par des miliciens.
Il y aurait aujourd’hui 250 000 déplacés suite au violences des 2 derniers mois.

La responsabilité du Rwanda

Le congolais Laurent Nkunda est à la tête du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP). Il affirme lutter contre les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) pour protéger les congolais d’origine tutsi.

Les FDLR, sont des groupes d’hommes armés présents dans l’Est du Congo depuis le génocide au Rwanda en 1994. Beaucoup d’entre eux sont des génocidaires hutu ayant fuit le Rwanda en 1994.

Paul Kagame, président du Rwanda, récuse tout lien avec Nkunda. Mais l’Etat congolais (Kinshasa) dénonce le rôle joué par le Rwanda. Ce dernier semble en effet apporter un soutien logistique et militaire aux combattants de Laurent Nkunda.

On peut rappeler que lors des précédentes guerres le Rwanda, avait directement (occupation militaire) ou indirectement (soutien à des groupes armés comme le RCD-Goma) participé au pillage des ressources de la République Démocratique du Congo.

Un pillage qui arrange tout le monde

Le Kivu comme le reste du pays regorge de richesses naturelles. Les plus importantes sont l’or et le coltan. Ces ressources suscitent la convoitise de nombreux acteurs. Miliciens, hommes politiques, pays alentours et entreprises occidentales, tous espèrent en tirer profit.

Dans un entretien accordé à RFI, le congolais Kambale Malembe, dénonce un pillage qui semble profiter à de nombreux intervenants.

Une guerre qui nous concerne directement

Le coltan est un minerai très rare avec une demande toujours croissante. Il est utilisé pour fabriquer des composants électroniques, très utilisé dans l’aéronautique mais surtout dans les téléphones portables et consoles de jeu vidéos.

En 2002 et 2003 plusieurs rapports de l’ONU dénonçaient le pillage et le commerce illégal du coltan de RDC par les pays alentours et des entreprises multinationales.

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Pour aller plus loin

  • Ecouter l’entretien sur RFI de Kambale Malembe Orfèvre, dirigeant du Forum des amis de la terre au Nord Kivu

    «Tout laisse croire que les groupes armés continuent à exploiter les richesses minières, parce qu’ils se concentrent dans les zones qui sont censées les contenir.» C’est la face cachée de la guerre qui ravage l’est du Congo Kinshasa depuis le 28 août dernier. Les belligérants se battent aussi, et peut-être surtout, pour garder le contrôle de mines d’or, de diamant et de coltan.

    http://www.rfi.fr/actufr/articles/106/article_73999.asp

  • L’ ONG britannique Global Witness vient de rappeler que, sur le terrain, les troupes congolaises et en particulier la 85eme brigade, cohabitent avec les FDLR (Forces démocratiques pour la libération du Rwanda) et se livrent conjointement à l’exploitation et à la commercialisation des minerais : « tous forcent la population civile à travailler pour eux ou à leur remettre leur production et leur extorquent des taxes. ».

    Par ailleurs le général uruguayen Jorge Gonzales, observateur militaire de la Mission des Nations unies au Congo a déclaré avoir été le témoin de l’implication rwandaise dans les combats de la semaine dernière. Il a vu les forces rwandaises intervenir aux côtés des rebelles du général Nkunda avec des blindés et des pièces d’artillerie et assure que les rapports onusiens confirment la présence de soldats rwandais au sein du CNDP (Congrès national pour la défense du peuple), le mouvement de Nkunda.

    http://blogs.lesoir.be/colette-braeckman/2008/11/06/nouveau-sommet-de-la-mauvaise-foi-a-nairobi/

  • Coltan Mining in the Democratic Republic of Congo: How tantalum-using industries can commit to the reconstruction of the DRC [PDF]
    http://www.gesi.org/files/ffi_coltan-report_fr.pdf
  • Dossier : Le pillage des ressources naturelles de la RDC
    http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/conflit-grands-lacs/pillage-ressources-naturelles-rdc.shtml
  • Resume du rapport de l’ONU sur le pillage du Congo en 2002-2003
    http://www.populationdata.net/pillage_rdc.html
  • How rebels profit from blood and soil (Globe and Mail, 30 octobre 2008)
    Unregulated trade in Congolese mineral wealth keeps warlords in business fighting a civil war and has made the remnants of Rwanda’s genocide squads richer than they’ve ever been
    http://www.commondreams.org/headline/2008/10/30-7
  • Johann Hari: How we fuel Africa’s bloodiest war (The Independant, 30 October 2008)

    Une traduction en françaisVoici comment nous alimentons la plus sanglante des guerres africaines (Par Johann Hari)

Livres

  • Colette Braeckman,
    Les nouveaux prédateurs. Politique des puissances en Afrique centrale, Fayard, 2003
  • Jean-Paul Mopo Kobanda,
    Les crimes économiques dans les grands lacs africains, Menaibuc, 2006
  • Alain Deneault,
    Noir Canada, pillage, corruption et criminalité en Afrique, Ecosociété, 2008

Angolagate: Une affaire d’Etat(s)

octobre 5, 2008

Lundi s’ouvrira à Paris le procès de l’Angolagate.

Si les faits remontent aux années 1990, l’affaire n’est médiatisée qu’en 2000 avec l’enquête des juges Courroye et Prevost-Desprez. Huit ans après, le procès peut commencer.

Pierre Falcone et Arcadi Gaydamak sont au coeur de ce procès. Ces deux hommes d’affaires sont accusés d’avoir vendu des armes (pour un montant de 790 millions de dollars) au gouvernement angolais entre 1993 et 1998. L’Angola connait alors une terrible guerre civile ou s’affrontent le gouvernement de Dos Santos et son ennemi le rebelle Jonas Savimbi, à la tête de l’UNITA.

Le procès est exceptionnel par sa durée, jusqu’en mars 2009, et par la présence de nombreuses personnalités parmis les 42 prévenus. Tous sont accusés d’avoir touché des commissions au cours de ces transactions. On retrouve dans cette longue liste: Jean Christophe Mitterand, fils du président, Jacques Attali, l’écrivain Paul Loup Sulitzer, l’ancien ministre Charles Pasqua, ainsi qu’un de ses proches, l’ex-préfet Marchiani.

Les magistrats sont soumis à d’intenses pressions du fait des enjeux pétrolier en Angola. Le gouvernement angolais, qui avait un moment protégé Pierre Falcone par une immunité diplomatique (nomination a l’Unesco), veut a tout prix éviter de voir des noms de personnalités angolaises dans ce procès.

Situation explosive dans le Caucase

août 5, 2008

La Georgie, pays situé entre la Russie et la Turquie, a retrouvé son indépendance en 1991 avec la chute de l’Union Soviétique. Officiellement l’Abkhazie et l’Ossetie du Sud font encore partie de la Georgie mais en réalité le gouvernement georgien n’a plus aucun contrôle sur ces deux régions. Ces dernières ont leur propre gouvernement et sont soutenues par la Russie qui espère ainsi garder le contrôle de cette zone stratégique.

Depuis plusieurs mois les incidents et provocations se multiplient des deux côtés. Attentats, échanges de tirs, maisons bombardees au mortier… La tension est si forte aujourd’hui qu’une guerre ouverte entre l’Ossetie du Sud et le reste de la Georgie semble proche.

En cas de conflit la Russie interviendra militairement pour soutenir l’Ossétie du Sud contre le gouvernement georgien. Les Etats-Unis et l’Europe soutiennent la Georgie mais cet appui est surtout diplomatique et non militaire malgré le rapprochement de la Georgie vers l’OTAN.

On peut voir au dela des conflits identitaires et politiques qui existent au niveau local un affrontement plus global entre la Russie et l’Ouest pour la maitrise d’une zone essentielle tant par son emplacement stratégique que par l’importance de ses ressources naturelles (acheminement de gaz et petrole).

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En vert le pipeline Baku-Tbilisi-Ceyhan

En vert le pipeline Baku-Tbilisi-Ceyhan

Arrestation de Radovan Karadzic en Serbie

juillet 22, 2008

Radovan Karadzic, ancien chef des Serbes de Bosnie, a été arrêté lundi par les services secrets serbes. Cet homme est accusé de génocide et crime contre l’humanité par le Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie.

Perçu comme un héros par de nombreux nationalistes il a pourtant un joué un rôle majeur dans les crimes commis contre les populations civiles entre 1992 et 1995.

En tant que politique et intellectuel il a exalté l’idéologie nationaliste. En tant que chef militaire et paramilitaire il a une responsabilité directe dans les massacres et exactions (en particulier le massacre de 8000 hommes et garçons à Srebrenica en Bosnie,  en juillet 1995).

Son interpellation, après dix ans de traque semble liée au contexte politique actuel en Serbie. Il y a deux semaines, une coalition politique est née entre le Parti Démocrate (pro européen) et le Parti socialiste de Serbie (pourtant ancien parti de Slobodan Milosevic – décédé en 2006 avant la fin de son procès au Tribunal Pénal de la Haye).

L’arrestation de Karadzic comme celle de Mladic est une des conditions pour l’adhésion à l’Europe.

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